Chaque ligne est un accident que vient réparer la suivante. Et c’est dans leur ensemble qu’elles prennent sens.
Petites traces de crayon laissées çà et là sur le papier. Ce que je dessine surgit du même geste répété mécaniquement, avec la patience d’une neige de décembre. C’est ce qui fascine autant l’enfant de six ans que celui de douze fois six ans. Cette fascination compte plus à mes yeux que tout ce que mes dessins leur suggèrent.
Des accumulations de barbots impulsifs comme les atomes qui composent l’univers. Formes où les contours n’existent pas. C’est ton œil qui tire les conclusions, qui comble les vides, qui extrapole. Ton œil comme une caméra microscopique au fond de mes entrailles. Ton regard qui s’éternise comme pour fixer la trajectoire de particules ou de masses si éloignées.
Coups de crayon en des endroits précis, pour fournir à ton œil des points d’ancrage supplémentaires, adoucir la lecture d’une courbe et éviter que ton regard ne s’égratigne sur les aspérités dues au hasard. Mon crayon comme un ciseau sur un marbre fragile.
Des formes qui se définissent au fur et à mesure qu’apparaît le noir. Je ne les connais pas avant de les dessiner. Elles ne se laissent jamais présager, comme si elles appartenaient à une autre dimension. Je les dessine mais elles se sculptent sous mon crayon. Ces formes qui ne représentent rien de connu mais si précises à la fois. Reliefs de contrées perdues ou de draps familiers. Vagues chevelures ou textile gigantesque. Monuments anonymes.
Mes dessins ne sont jamais finis. Je les arrête.
Je peux décrire ma démarche, expliquer ce que peuvent évoquer les formes qui surgissent des jeux d’ombres et de lumières à force d’empiler des barbots. Mais je refuse à imposer un sens à mes œuvres.
–Jean Villemaire
Je crois profondément qu’on peut apprécier mes dessins dans différentes orientations. C’est pourquoi lorsque je supervise l’encadrement, je m’assure qu’il y ait quatre accrochages, un par côté. Le ou la propriétaire de l’œuvre pourra donc à loisir l’accrocher dans le sens qu’il.elle préfère, voire la faire pivoter périodiquement pour la redécouvrir à chaque fois.